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Publié par DEMEULE <Carole.DemeuleSPAMFILTER@ifremer.fr>
Le lundi 30 août 2021

Efflorescences de la microalgue Lingulodinium polyedra dans le Morbihan et en Loire-Atlantique : observations et conclusions

Depuis le début du mois d’août, des eaux colorées rouges-marron dues à une efflorescence de la microalgue Lingulodinium polyedra ont été observées sur le littoral du Morbihan et de Loire-Atlantique ainsi qu’au large des estuaires de la Loire et de la Vilaine. L’Ifremer dresse le bilan des multiples observations constatées par ses scientifiques et par les partenaires de l’institut.

Bloom à Lingulodinium polyedra au Pouliguen (44)
Bloom à Lingulodinium polyedra au Pouliguen (44)

Phénomène de plus en plus fréquent depuis quelques années sur nos côtes, des eaux colorées visibles à l’œil nu causées par des proliférations de microalgues (organismes photosynthétiques unicellulaires) sont régulièrement observées sur la côte Atlantique, et plus particulièrement le long de la zone côtière de Bretagne sud, sous l’influence de la Loire et de la Vilaine. Cette zone est la plus vulnérable de la côte Atlantique, sous l’action du phénomène dit d’eutrophisation (apport excessif de nutriments issus de rejets anthropiques).

Les efflorescences de microalgues sont des phénomènes naturels saisonniers dont la fréquence et l’intensité peuvent varier. Elles sont liées aux conditions environnementales du milieu : nous savons ainsi que la disponibilité en nutriments (azote et phosphore), une température suffisante, de la lumière et une colonne d’eau stable sont autant d’éléments favorables à leur développement. Les cellules se multiplient formant alors ce qu’on appelle une efflorescence ou bloom. Certaines efflorescences phytoplanctoniques peuvent provoquer une coloration de l'eau de mer en surface, dont la couleur dépend de la composition pigmentaire de l’espèce qui se développe. Dans le cas du dinoflagellé Lingulodinium polyedra les teintes observées varient du rouge au marron. Ces microalgues produisent également de la bioluminescence qui teinte la mer d’une lumière bleutée lorsqu’elle est agitée. Ce mécanisme aurait un rôle de défense contre les prédateurs.    

Les débits de la Loire et de la Vilaine en cause dans l’apparition de blooms de Lingulodinium polyedra, phénomène déjà recensé par le passé

L’été 2021, qui a été particulièrement pluvieux, se caractérise par des débits de la Loire et de la Vilaine au-dessus des valeurs d’étiages habituellement mesurées (+100 % par rapport à la moyenne, mesurée depuis 1940 pour la Loire et depuis 1970 pour la Vilaine). Les deux fleuves, ainsi que les sources locales d’eaux douces, ont donc pu apporter les quantités de nutriments nécessaires à la prolifération de cette microalgue. En effet, l’Ifremer a relevé que les zones impactées par les proliférations de Lingulodinium polyedra sont proches des panaches fluviaux ou des côtes.

Lingulodinium polyedra produit des kystes (cellules à l'état de dormance) qui peuvent s’accumuler dans les sédiments et germer pour produire de nouvelles eaux colorées lorsque les conditions environnementales redeviennent favorables. Les kystes de Lingulodinium polyedra ont déjà été observés par le passé dans les fonds vaseux de la baie de Vilaine, lieu de départ des proliférations recensées cet été. Il est donc probable que les blooms de Lingulodinium polyedra trouvent leur origine dans la baie de Vilaine dont les caractéristiques hydromorphologiques sont favorables au développement du phytoplancton.

Des mesures sanitaires de précaution mais pas de risques confirmés

L’Ifremer assure un rôle de vigie sous mandat de l’Etat et produit des résultats et des diagnostics sur l’état du milieu marin. Les activités de surveillance du littoral de l’Institut, au travers des données fournies, permettent ainsi d'éclairer et d'orienter les politiques publiques pour gérer un risque ou améliorer une situation :  déclenchement d’un dispositif de gestion en cas d’alerte (dépassement d’un seuil), appui à la mise en place de nouvelles réglementations pour limiter les impacts, appui à l’instauration d’aires marines protégées...

Lingulodinium polyedra est une microalgue toxique connue pour produire des yessotoxines appartenant au groupe des toxines lipophiles, qui peuvent s'accumuler dans les coquillages et, au-delà d’une certaine concentration, peuvent présenter un risque sanitaire pour les consommateurs de coquillages.

Dans le cadre du suivi sanitaire des zones de production conchylicoles, lorsque qu’une concentration dans l’eau en cellule de Lingulodinium polyedra est supérieure à 10 000 cell/L (seuil d’alerte), des analyses de toxines lipophiles sont réalisées dans les coquillages. Ainsi depuis début août, des analyses de toxines lipophiles sont réalisées dans les coquillages des zones de production en baie de Vilaine, rivière de Pénerf et sur les côtes de Loire-Atlantique. A ce jour la concentration en yessotoxines mesurée dans les coquillages sur les différents points de surveillance est restée très inférieure au seuil de sécurité sanitaire (3,75 mg d’équivalent YTX par kg de chair de coquillage).

Lingulodinium polyedra au microscope à épifluorescence. Le marquage fluorescent vert permet de visualiser la thèque (enveloppe qui entoure la cellule), dont les motifs contribuent à identifier l’espèce
Lingulodinium polyedra au microscope à épifluorescence. Le marquage fluorescent vert permet de visualiser la thèque (enveloppe qui entoure la cellule), dont les motifs contribuent à identifier l’espèce

Pour en savoir plus sur la qualité sanitaire des zones de baignade ou de pêche à pied de loisir, liées aux blooms de Lingulodinium polyedra, veuillez vous rapprocher des autorités compétentes représentées par l’Agence Régionale de Santé et le préfet de votre département.

Pour accéder aux résultats détaillés des analyses menées par les scientifiques de l’Ifremer sur la prolifération de Lingulodinium polyedra, vous pouvez consulter librement la note complète disponible sur Archimer, Archive Institutionnelle de l'Ifremer.